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Le département des Yvelines a son « garage californien » : Entretien avec Philippe Benassaya, Président de l’agence Ingéniery.

Publié par Décideur Public - Systèmes d'Information sur 6 Novembre 2019, 10:58am

Catégories : #Actualité

Le département des Yvelines a son « garage californien » : Entretien avec Philippe Benassaya, Président de l’agence Ingéniery.

Alors que nombre de petites communes en France déplorent le retrait des services de l’État en zone rurale et se lamentent, l’agence Ingéniery, qui semble être une singularité, tout du moins en Ile de France, fête ses cinq années d’existence. Pouvez-vous revenir à vos origines?

 

Philippe Benassaya : C’est l’histoire d’une innovation organisationnelle, à l’origine de laquelle se trouve Pierre Bédier, le Président du Conseil départemental des Yvelines. La genèse est simple : c’est la disparition des services de l’État auprès des communes rurales et la question survenue alors, à savoir : que fallait-il mettre en place pour y palier ? Une question essentielle lorsque l’on sait que le département des Yvelines compte 186 communes rurales qui représentent 60 % du territoire et que 160 d’entre elles ont moins de 2000 habitants. Deux options étaient possibles : soit récupérer les anciens services de l’État au sein du département mais ce sont des opérations délicates et longues, car intégrer plusieurs dizaines de personnes d’une autre culture n’est jamais chose aisée comme l’enseigne la pratique et/ou la sociologie des organisations ; soit créer « notre garage californien ».

 

 

La Silicon Valley et son esprit sont pourtant loin...

 

 Philippe Benassaya : Mais pas l’imagination qui est une ressource universelle et ancrée en chacun de nous. En l’occurrence Pierre Bédier a endossé le rôle d’un « entrepreneur visionnaire », pour rester dans l’esprit du « garage », en favorisant la création de l’agence Ingéniery, une petite équipe de 17 collaborateurs qui offre des prestations d’assistance à maîtrise d’ouvrage uniquement aux communes rurales qui n’ont pas, bien entendu, les capacités en interne de traitement des dossiers et des projets tant en termes technique, qu’administratif, juridique et financier.

 

 

17 collaborateurs, n’est ce pas insuffisant pour le terrain à couvrir ?

 

Philippe Benassaya : Notre volonté est de conserver une structure légère. Si nous nous développons trop, nous perdrons le contact avec les élus ruraux ce qui est notre marque de fabrique. Or, c’est précisément sur leur terrain que nous rencontrons les élus pour discuter avec eux de leurs projets. Et notre taille ne nous empêche nullement de traiter, à l’heure actuelle, plus de 400 dossiers !

 

 

Comment fonctionne cette agence ?

 

Philippe Benassaya : Nous sommes un Etablissement Public Administratif, une « filiale » du département en quelque sorte qui nous a délégué sa compétence en zone rurale exclusivement. Nous intervenons auprès des communes adhérentes à l’agence dans le cadre de projets de constructions, d’aménagements, d’extensions, de réfections, dans les domaines de la voirie, de l’urbanisme, des bâtiments et équipements publics tels que cantines scolaires, foyers ruraux, salles des fêtes, et du patrimoine. L’agence Ingéniery conseille, élabore et instruit mais n’octroie pas de subventions. Nous élaborons les contrats ruraux, les PLU, les marchés publics et suivons leurs exécutions. Les maires ont pris l’habitude de nous appeler en direct pour nous présenter leurs projets.

 

 

Vous avez fait référence à une adhésion pour les communes qui souhaitent faire appel à vos services ?

 

Philippe Benassaya : Oui c’est important sur le principe d’adhérer à une démarche. Cette adhésion, dont le montant est fixé par le conseil d’administration de l’agence, se veut très accessible : 70 centimes ou 1 euro par habitant à l’année selon la situation de l’EPCI auquel la commune appartient. Les prestations, elles, sont gratuites. Pour une commune de 500 habitants, le montant de l’adhésion pourra donc être de 500 euros par an pour bénéficier des services d’une agence d’ingénierie. Résultat : au bout d’un an d’existence nous avions déjà 100 communes adhérentes, chiffre qui s’élève aujourd’hui à 170.

 

 

Concrètement comment se déroulent vos interventions?

 

Philippe Benassaya : Je vais prendre trois exemples qui en illustrent la diversité.

Un maire nous fait part de son projet de rénovation et d’aménagement de la place de l’église. Il souhaite paver la place, construire des jeux pour enfants etc. Nous montons le projet technique et surtout nous le chiffrons. Au vu des devis obtenus si le coût s’avère trop élevé, par exemple, une place refaite pour 300 000 euros, nous lui en faisons part. Puis nous entrons avec lui dans une phase de débat contradictoire sur les différents éléments initiaux afin de faire baisser la facture : est-ce bien nécessaire de tout paver ? Une autre qualité de matériaux n’est-elle pas plus judicieuse ? Faut-il obligatoirement installer 10 jeux pour enfants ?…

Un autre élu souhaite construire une médiathèque de village. Nous rédigeons les 80 pages du document relatif à ce projet qui sera présenté au Département pour validation puis nous allons chercher les financements, soit autour de 250 000 euros, auprès du Département et de la Région.

En matière de patrimoine notre département compte de nombreux ouvrages. Nous allons sur place en constater l’état et supervisons les cahiers d’entretien dans lesquels les Architectes des Bâtiments de France mentionnent les problèmes constatés. Puis nous nous mettons en quête des financements en vue de la réalisation des travaux de réfection.

 

 

Vu le nombre et la variété des dossiers que vous traitez, cela ne ressemblerait-il pas à une certaine frénésie d’équipements de la part des communes ?

 

Philippe Benassaya : Vous mettez le doigt sur un problème d’ordre sociologique. Il se trouve que dans notre département de plus en plus d’urbains viennent vivre à la campagne. Il s’agit d’une population de cadres qui n’habitait pas nos communes rurales il y a encore 10 ans. Mais ils souhaitent disposer des mêmes équipements et du même confort qu’en ville. Sauf que la ville à la campagne ce n’est pas possible. Les maires résistent car cela engendrerait des investissements trop importants. Mais ce n’est pas toujours évident.

 

 

Dans un tel contexte, outre les compétences techniques, qu’attendez-vous de vos collaborateurs ?

 

Philippe Benassaya : Ceux qui nous ont rejoints sont surtout des ingénieurs avec de solides expériences techniques acquises au sein du département, qui souhaitent avant tout aller sur le terrain et s’y former. En effet, il faut apprendre à parler à l’élu, à l’écouter dans des lieux de sociabilité tels que le café du village ou sur son lieu de travail qui est le champ car il n’est pas rare que le maire d’une commune rurale soit aussi agriculteur. Il faut même apprendre à anticiper la mauvaise humeur d’un élu, à prévenir les crises. Ces qualités relationnelles, c’est sur le terrain qu’elles s’acquièrent et elles sont indispensables pour s’adresser aux maires pris entre les exigences des citoyens, notamment les nouveaux habitants venus des villes, et les contraintes financières des communes rurales.

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