Simon OSTERMANN
Responsable Pôle Santé
PRO ARCHIVES SYSTEMES
En permettant la destruction des originaux papiers et en façonnant un cadre légal pour la copie numérique, le législateur impose définitivement la dématérialisation dans le paysage médical. Or, pour l’instant, la majorité des établissements de santé ne fait qu’effleurer le sujet. En effet, quelle voie choisir entre le tout numérique et la survivance d’un format papier qui n’a pas fini d’être utile … et utilisé ?
La nature du dossier médical, rend la problématique de sa traçabilité extrêmement sensible. D’autant que les archivistes et les secrétaires médicales qui en ont la charge doivent non seulement composer avec des classements anciens et hétérogènes, tout en veillant au respect des durées de conservation, mais aussi gérer l’identitovigilance (système garantissant au patient une parfaite identification durant son parcours de soins) et permettre au patient d’accéder à son dossier médical dans les meilleurs délais. Un véritable challenge.
L’accélération législative et normative
Heureusement, des textes essentiels ont vu récemment le jour pour les aider à accélérer cette transition digitale. Ainsi, le décret du 5 décembre 2016 et les ordonnances de janvier 2017 fixent des règles précises sur la dématérialisation fiable, la destruction et l’hébergement qui en découlent. La force probante est désormais indifférente au support, que le dossier soit sous format papier ou numérique. Pour conférer le caractère de fiabilité, la reproduction doit se faire à l'identique de la forme et du contenu de l'original, que soit utilisés un horodatage et une signature électronique qualifiés ; et que l'intégrité soit garantie dans le temps (conservation des traces et des empreintes électroniques). Partant de ce principe, la destruction de l’original papier est autorisée avant la fin de la durée légale de conservation. Ce nouveau cadre réglementaire est par ailleurs concomitant de la norme NF Z42-026 dont le respect des spécifications aboutira à la suppression de l’original papier. Tout cela crée donc un équilibre nouveau permettant aux professionnels de santé de redéfinir leur politique d’archivage.
Le déclin du papier face à la réalité du terrain
La fin du papier permettra notamment de résoudre les problèmes liés à l’intégrité des données médicales confrontée à l’usure du temps, mais aussi à leur confidentialité dans des salles d’archives mal sécurisées, et à la pénurie d’espace dans des locaux inadaptés. Si le déclin du papier est désormais une réalité, la migration vers le digital sera malgré tout progressive pour les établissements de santé. Certains ont déjà fait un premier pas grâce au DPI (dossier patient informatisé) pour les dossiers de MCO notamment ; mais cette informatisation ne concerne pas 100% des dossiers médicaux.
Des obstacles et des doutes à lever
Les obstacles à une digitalisation complète du dossier médical restent, en effet, nombreux. Á l’attachement psychologique au papier s’ajoutent son utilisation fréquente pour les besoins liés à la prise en charge médicale des patients (entraînant l’impression d’éléments pourtant informatisés), la formation des agents sur les nouveaux logiciels (dans un contexte de surcharge de travail) ou encore la gestion des temps de réponses de plus en plus longs des applications. Autant de contraintes qui freinent cette digitalisation.
Vers une gestion mixte et maîtrisée
Pour répondre de manière pragmatique aux véritables besoins des établissements de santé, la solution réside dans l’immédiat dans une gestion mixte, mêlant papier (de moins en moins) et digitalisation (de plus en plus). La plupart des services l’ont d’ailleurs déjà apprivoisé. Il faut maintenant les aider à y voir plus clair dans les choix qui s’offrent à eux et élaborer des stratégies pertinentes de numérisation, conservation ou destruction, en fonction de la nature des archives et du rythme des flux. Les personnels doivent donc aujourd’hui être formés, aussi bien à la gestion de documents nativement numériques que de documents papier (qu’il convient de mieux classer pour optimiser le temps et l’espace).
La quête du SIH convergent
Les réponses sont également techniques, tournées vers un système d’information efficace et homogène afin d’éviter les lourdeurs de gestion de SI bâtis sur des infrastructures hétérogènes. C’est le sens notamment du système d’information hospitalier convergent mis en place actuellement au sein des GHT (groupements hospitaliers de territoire) voulus par la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.
In fine, au lieu de vouloir tout numériser, n’est-il pas préférable de numériser les dossiers les plus mouvementés afin de diminuer la circulation du papier, éviter les problèmes de traçabilité et de surcoûts, et rendre ainsi l’accès des dossiers plus facile et rapide ?
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