L'appétence des investisseurs privés (CDC, fonds d'infrastructure,...) et du monde bancaire pour les projets d'aménagement numérique en fibre optique semble désormais confirmée. Elle résulte des enjeux portés par le « Plan France Très Haut Débit », avec un taux de couverture de la population française à 30 Mbit/s de plus de 50% à fin mars 2017 et des perspectives de couverture FTTH s'élevant à 80% à horizon 2022).
Le Plan France Très Haut Débit a par ailleurs été salué pour être un exemple inédit de la mise en œuvre d'un projet structurant, puissant et performant, réalisé de façon décentralisée et dans lequel les collectivités locales ont saisi leur rôle avec ambition et sans clivage.
Aujourd'hui, les collectivités engagent une véritable course contre la montre pour choisir le concepteur-constructeur et l'exploitant de leur futur réseau (14 procédures d'attribution de projet de RIP sont actuellement en cours), appelant ainsi les opérateurs à arrêter leur montage financier dans des délais de plus en plus concis.
Les experts à la tribune ont toutefois rappelé que le financement des RIP nécessite l'analyse de certains risques.
Au-delà du risque construction et technologique, c'est le risque de commercialisation qui pèse massivement dans les discussions entre financeurs et délégataires de RIP. Le prix, le "mix produit" (location passive, location active ou co-investissement) et le taux de pénétration sont alors examinés à la loupe. L'annonce de l'INSEE d'une prochaine création d'un indice des prix dans le secteur télécom est par ailleurs accueillie favorablement par les acteurs du secteur, cet indice pouvant fixer l'évolution des tarifs de gros proposés par les délégataires durant la vie des projets.
« Ce risque de commercialisation doit toutefois être relativisé à court - moyen terme, y compris pour les exploitants de RIP qui ne revêtent pas la qualité d'opérateur intégré, du fait, notamment, des accords nationaux passés entre les acteurs et du renforcement de la concurrence au niveau des FAI » a souligné Pierre-Michel Attali, Directeur du Pôle Territoires numériques de l'Idate et VP de la FIRIP.
Concernant le risque de construction, la pénurie de ressources humaines sur des métiers en tension pourrait être considérée comme un frein, voire une menace non négligeable, susceptible de générer des retards par rapport aux objectifs de déploiement. On notera par ailleurs qu'il reste 14 millions de prises à fibrer en zones RIP d'ici 2022 et qu'il en restera 5 millions au-delà... avec des financements qui devront là aussi être mobilisés.
Un travail de pédagogie doit enfin être effectué auprès des collectivités porteuses de RIP
« Si la perception des collectivités est en train d'évoluer, celles-ci n'ont pas encore suffisamment intégré que la robustesse d'un projet financé par des prêteurs peut être supérieure à celui monté en financement corporate » a plaidé un des opérateurs à la tribune, en faveur des investisseurs privés.
Imposer le bouclage de la documentation de financement trop en amont dans l'attribution des projets n'est pas toujours opportun au regard de la durée parfois longue des procédures de passation des délégations de service public (DSP) et de l'évolution du cahier des charges des collectivités.
Quoiqu'il en soit, tous s'accordent à dire que, même si les besoins en subventions pourraient être revus à la baisse (cf. conclusions de l'Observatoire des RIP 2017), l'implication financière des collectivités locales reste déterminante pour garantir la péréquation et l'équité de l'aménagement des territoires en très haut débit. « Avec ce modèle, co-financé par le public et le privé, les acteurs des télécoms sont en train d'inventer un système de financement du service public, particulièrement efficace, qui pourrait être dupliqué à d'autres secteurs » s'est réjouit Eric Jammaron, Directeur général Axione.
Dernier point de vigilance soulevé par la FIRIP :
« Les TPE-PME, sous-traitantes des délégataires de service public, doivent faire face à de fortes perspectives de développement, nécessitant des financements, sans pour autant être capables d'amener des engagements fermes sur le long terme, à travers un portefeuille de bons de commande signés » a expliqué Etienne Dugas, Président de la FIRIP.
C'est pourquoi, la fédération a annoncé sa décision de créer un fonds de filière, à l'instar de ceux mis en place dans d'autres secteurs comme l'aéronautique, permettant de financer les besoins de ces industriels. Doté d'une quinzaine de millions d'euros, ce fonds sera géré par Innovafonds. Il aidera au financement d'une dizaine de projets dans un premier temps, et devrait être mis en place d'ici la fin de l'année. Un appel a été lancé pour y abonder.
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