Dans un rapport commun, le Centre d’analyse stratégique et la Direction Générale du Travail (DGT) analysent et font des propositions sur l’impact des technologies de l’information et de la communication (TIC) sur les conditions de travail. Les TIC ont considérablement évolué durant les quinze dernières années, modifiant profondément la vie quotidienne et suscitant un débat permanent. En revanche, alors que près de deux actifs occupés sur trois les utilisent régulièrement dans leur activité professionnelle, l’impact de ces technologies sur le travail reste peu analysé. Une note de synthèse est également disponible qui retrace les grandes lignes du rapport.
Les effets des TIC sur les conditions de travail sont souvent positifs, par exemple quand elles permettent aux salariés d’accéder plus simplement à l’information et de trouver des solutions rapides et adaptées à leurs problèmes. Il n’en demeure pas moins qu’un certain nombre de risques existent, que le rapport synthétisé ici met en évidence : augmentation du rythme et de l’intensité du travail, renforcement du contrôle de l’activité pouvant réduire l’autonomie des salariés, affaiblissement des relations interpersonnelles et/ou des collectifs de travail. À cela s’ajoutent le brouillage des frontières spatiales et temporelles entre travail et hors travail, ainsi que les effets de la surinformation qui se traduit notamment par l’accroissement excessif du flux des courriels.
Au-delà des évolutions technologiques, l’organisation du travail et de la production, les différentes cultures qui s’y rapportent et les mutations sociétales peuvent également contribuer à favoriser ces risques. Il s’agit donc bien de s’interroger sur les interconnexions entre les modes d’organisation et les TIC. Leur puissance, la variété de leurs fonctions et la possibilité de les intégrer dans un même ensemble confèrent aux TIC une importance stratégique qui dépasse de très loin celle de simples outils. Leur impact est quasi systématique sur les organisations du travail que, bien souvent, elles modèlent et structurent.
L’innovation incessante qui caractérise ce secteur de la communication, associée à l’évolution rapide des besoins des entreprises dans le contexte d’une économie mouvante, s’est répercutée sur les outils informatiques. Ces derniers sont au premier plan des facteurs de changements qui mettent sous tension le monde professionnel. Leur rôle apparaît déterminant pour l’activité quotidienne des salariés (y compris ceux qui ne sont pas utilisateurs), pour l’organisation de l’entreprise, pour ses décisions stratégiques et les changements qu’elle connaît.
Ce rapport délivre une précieuse analyse alors qu'un facteur important pénalise encore la réflexion : la prédominance d’un discours massivement promotionnel autour des TIC, synonymes de progrès, de modernité et vecteur majeur de croissance économique, reconnues comme telles par les instances nationales, européennes, mondiales, ce qui laisse peu d’espace pour une approche centrée sur leurs effets sur les utilisateurs.
Pour identifier les impacts des TIC sur les conditions de travail, il a été nécessaire au préalable d’étudier la diffusion des technologies, en lien avec les facteurs et acteurs qui l’ont orientée, d’examiner les évolutions auxquelles elles ont abouti sur le contenu du travail et d’identifier les salariés concernés ainsi que leur ressenti face à ces changements.
Trois problématiques principales ont émergé :
- Dans quelle mesure et sous quelles conditions les TIC participent-elles à l’intensification du travail, à la mise sous tension de leurs utilisateurs par l’effet de contraintes qu’elles génèrent ou décuplent ? Il apparaît nécessaire de rechercher des équilibres entre la charge de travail et le besoin de se retirer, de se déconnecter pour faire un travail de qualité, entre la standardisation et le maintien de marges de manœuvre pour créer les conditions de l’engagement au travail, et entre l’autonomie et le contrôle ;
- Quels sont les liens et les effets des TIC sur les collectifs de travail ? Cette question a été abordée sous deux angles différents. Le premier traite des liens entre ces collectifs et les TIC et de la participation, parfois étroite, de ces technologies à leur renouvellement ; une démarche exploratoire spécifique a été adoptée pour aborder ce sujet. Le deuxième angle s’attache à répondre à la mise en cause des TIC comme facteur d’isolement et à analyser leurs impacts sur les échanges informels au sein de l’entreprise ;
- Quelles conséquences ont pour les salariés la relativisation des cadres traditionnels des espaces et du temps de travail induites par les TIC ? L’analyse met en évidence un brouillage des frontières entre travail et hors-travail, à l’échelle de l’individu, des organisations du travail et des entreprises.
L’impact des TIC sur la santé au travail a été abordé en prenant en compte ces analyses mais d’importants questionnements demeurent sur le sujet, notamment sur les impacts indirects. Au-delà de ces tentatives de diagnostic, il est utile de proposer quelques réflexions sur des évolutions possibles des effets des TIC sur les conditions de travail dans les prochaines années. Il s’agit de prendre en compte la dimension dynamique de ces technologies qui vont immanquablement poursuivre et multiplier leurs effets sur le travail.
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