Le très haut débit, même dans les campagnes les plus isolées, est-ce possible ? Sera-t-il un jour un service universel comme l’eau ou le gaz ? À l’heure où le gouvernement entend généraliser la fibre optique, il existe des solutions alternatives pour que les collectivités s’inscrivent dans cette dynamique nationale. Un examen au cas par cas s’impose.
Internet est devenu aussi essentiel que les dessertes routières ou l’accès à l’électricité. Chacun sait que l’accès aux technologies de l’information et de la communication est l’un des facteurs clés de l’attractivité et de la compétitivité des territoires.
Cependant, une fois encore, ce sont les zones rurales qui sont les plus touchées. Car c’est là que l’équipement coûte le plus cher, et rapporte le moins. Une équation difficile à tenir pour des entreprises privées. Résultat, en 2010, 2% des lignes téléphoniques, soit plus 500 000 foyers, restent encore inéligibles à l’ADSL, et 8% des foyers éligibles à l’ADSL (2,4 millions foyers) ne bénéficient pas d’un accès supérieur à 512 Kbits par seconde.
Le rapport Besson de 2008 est très clair. Il faut d’urgence que la France rattrape son retard, et rejoigne le peloton des nations numériques. D’où le plan de développement de l’économie numérique et la création d’un fonds d’aménagement numérique du territoire (FNAT). Le Grand Emprunt prévoit un budget de 2 milliards d’euros et la généralisation d’outils de planification (les schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique).
Le très haut débit ... pour tous ?
Si 98% des abonnés haut débit en France sont déjà desservis par l’ADSL, cette technologie n’est pas pour autant la plus pertinente pour déployer l’Internet très haut débit sur l’ensemble du territoire. Et ce pour trois raisons : ses limites physiques, ses performances et son fonctionnement « asynchrone ».
Plusieurs technologies sont susceptibles de fournir du très haut débit : sans fil (ondes hertziennes, satellite bidirectionnel,), et filaires. Le choix fait par la France repose sur les réseaux filaires. Aussi, seule la fibre optique propose réellement du très haut débit (50 Mbits min., émission - réception, quelle que soit la distance entre l’abonné et le central).
Cependant le déploiement de cette technologie est très couteux : pas moins de 30 milliards d’euros seront nécessaires pour couvrir l’ensemble des foyers français en fibre. Mais le vrai problème est que le coût de création n’est pas uniforme sur tout le territoire. Le coût à la prise varie ainsi de quelques centaines d’euros à près de 5 000 euros, selon la situation de l’abonné.
80% du coût total concerne le déploiement du réseau horizontal, entre les locaux techniques des opérateurs et l’intérieur du foyer ou de l’entreprise à raccorder. Au total, il faudra tirer plus d’un million de kilomètres de lignes pour pouvoir couvrir la France entière en fibre optique.
Traduction financière : quand 15 milliards « suffiront » pour couvrir 80% des foyers français ; il en faudra encore 8 pour monter à 95%, et 7 pour les 5 derniers pourcents. Et d’être pragmatique. La montée en débit peut aussi être une première étape…
1001 choses à faire en attendant le très haut débit
Les territoires ruraux seront, clairement, les oubliés du très haut débit, si on ne leur propose pas des solutions intermédiaires et constructives, qui tiennent compte des usages, qui s’annoncent notamment mobiles. Pour rationaliser l’investissement des vingt derniers pour cent de couverture, il faut renoncer, au moins de façon temporaire, au tout optique, en privilégiant des solutions alternatives.
Restons à la fois réaliste et pragmatique. Chaque technologie présente des intérêts spécifiques. Il s’agit de mixer ces solutions complémentaires, afin de répondre au mieux aux enjeux de chaque territoire, selon des paramètres liés à l’existant, à la géographie, à la concurrence et aux besoins.
Dans ce cadre, plusieurs solutions technologiques permettent de garantir une réelle montée en débit. D’abord, le réaménagement de la boucle locale cuivre (avec par exemple une liaison en fibre optique entre le NRA et le sous répartiteur ou encore la création de NRA-ZO supplémentaire) apportant une amélioration immédiate du niveau de service tout en échelonnant les investissements.
Egalement, l’utilisation des technologies hertziennes (Wi-Fi et Wimax) en attendant l’arrivée de la fibre avec, par exemple, la mise en place d’une boucle locale radio (LTE ou 4G) ou l’utilisation de la solution FTTH raccordée en FH.
Cette dernière consiste à déployer une infrastructure de desserte FTTH point à point, depuis un point de mutualisation au cœur des bourgs ruraux, collectée ensuite en faisceaux hertziens. Cette collecte transitoire, sera par la suite aisément substituée à un lien optique, et la plaque FTTH s’intégrera parfaitement dans un schéma d’ingénierie tout optique global, en se raccordant à des NRO mutualisant les équipements actifs pour plusieurs bourgs. Un mix des technologies pour une montée en débit rapide et une migration pragmatique vers le très haut débit.
En outre, la mise en place de ces solutions permet de se constituer un patrimoine de points hauts neutres technologiquement. Une démarche réellement préparatrice des futurs déploiements en très haut débit mobile. Enfin l’utilisation de liaisons satellitaires peut venir en complément des ces solutions.
Il est donc indispensable d’élaborer des schémas directeurs, qui permettent aux collectivités locales d’avancer en plusieurs étapes constructives vers un maillage en très haut débit de leur territoire. Le choix du montage juridique sera tout aussi important (marchés publics, concession de service public, contrat de partenariat public-privé ou autres formes de délégation de service public).
Il sera nécessaire de combiner au mieux toutes les modalités d’intervention possibles des collectivités, quelle que soit leur nature, afin d’aboutir à la mise en œuvre de réseaux cohérents, compétitifs, et, surtout, accessibles au plus grand nombre.
David El Fassy, PDG d’Altitude Infrastructure
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