Dans un rapport commun, le Centre d’analyse stratégique et la direction Générale du Travail (DGT) analysent l’impact des technologies de l’information et de la communication (TIC) sur les conditions de travail. Ces technologies ont fortement évolué durant les quinze dernières années et ont remodelé notre vie quotidienne. Or, alors que près des deux-tiers des actifs les utilisent dans leur activité professionnelle, leur impact sur le travail reste peu analysé.
Une présence prédominante
Le rapport dresse un constat simple : 94% des entreprises sont aujourd’hui connectées à Internet avec un taux d’équipement qui varie selon la taille et le secteur d’activité de l’entreprise. En effet, 64% des salariés travaillent sur ordinateurs, 31% disposent d’un outil de mobilité (tablettes, Smartphones…). Le temps de travail ne cesse d’augmenter, de l’ordre de 3h/jour pour les 2/3 des salariés. Cependant, jusqu’à neuf millions de salariés n’utilisent pas encore les TIC professionnellement notamment dans les secteurs du service à la personne, l’agriculture et le bâtiment. En revanche, les cadres qui sont les plus grands utilisateurs, connaissent parfois une surcharge informationnelle et communicationnelle. Dans ce contexte, l’impact des TIC est quasi systématique sur les organisations du travail que, bien souvent, elles modèlent et structurent. L’innovation incessante des TIC associée à l’évolution rapide des besoins des entreprises dans le contexte d’une économie concurrentielle mettent sous tension le monde professionnel.
Or, le rapport montre qu'un facteur important pénalise encore la réflexion, à savoir la prédominance d’un discours uniquement promotionnel autour des TIC, synonymes de progrès, de modernité et vecteur majeur de croissance économique, reconnues comme telles par les instances nationales, européennes, mondiales. Cette approche laisse peu d’espace pour mesurer leurs effets sur les utilisateurs. En vue d’identifier leurs impacts sur les conditions de travail, le rapport fait le point sur la diffusion des technologies, le lien avec les facteurs et acteurs qui l’ont orientée, sur l’examen des évolutions auxquelles elles ont abouti sur le contenu du travail et sur l’identification des salariés concernés ainsi que leur ressenti face à ces changements.
Trois problématiques émergent
Il ressort de cette analyse trois grandes problématiques. La première pose la question de savoir dans quelle mesure et sous quelles conditions les TIC participent à l’intensification du travail, à la mise sous tension de leurs utilisateurs par l’effet de contraintes qu’elles génèrent ou décuplent. Le rapport souligne la nécessité de rechercher des équilibres entre la charge de travail et le besoin de se déconnecter pour réaliser un travail de qualité, entre la standardisation et le maintien de marges de manœuvre pour créer les conditions de l’engagement au travail, et entre l’autonomie et le contrôle.
La deuxième problématique concerne les liens et les effets des TIC sur les collectifs de travail. Cette question est abordée sous deux angles différents. Le premier traite des liens entre ces collectifs et les TIC et de la participation, parfois étroite, de ces technologies à leur renouvellement. Le deuxième angle s’attache à répondre à la mise en cause des TIC comme facteur d’isolement et à analyser leurs impacts sur les échanges informels au sein de l’entreprise. Enfin, la dernière problématique analyse les conséquences pour les salariés de la relativisation des cadres traditionnels des espaces et du temps de travail induites par les TIC. L’analyse met ici en évidence un brouillage des frontières entre travail et hors-travail, à l’échelle de l’individu, des organisations du travail et des entreprises.
L’impact des TIC sur la santé au travail a été abordé en prenant en compte ces analyses. Toutefois, le rapport pointe des interrogations majeures sur le sujet, notamment sur les impacts indirects. Les auteurs du rapport concluent sur l’utilité de proposer des réflexions sur des évolutions possibles des effets des TIC sur les conditions de travail dans les prochaines années. L’objectif vise à prendre en compte la dimension dynamique de ces technologies qui vont surement poursuivre et multiplier leurs effets sur la façon de travailler de chacun. C’est pourquoi les auteurs préconisent de nouer un fort dialogue social au sein de l’entreprise pour s’y préparer.
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