Billet d'humeur : Des tablettes, des enfants et des chiffres. Par Pascal Plantard, Professeur d’anthropologie des usages des technologies numériques, Université Rennes 2.

Publié par Décideur Public - Systèmes d'Information sur 11 Septembre 2019, 09:39am

En matière d’éducation, les techno-sciences sévissent aussi. L’Etat planifie, organise, distribue et compte. A lire certains documents relatifs à l’éducation où il est question de technologies de l’information (informatique et internet pour tous, tablettes dans les établissements etc.), on a parfois l’impression qu’ils sont destinés à une réunion d’analystes financiers d’une société du CAC 40, tant ce sont les chiffres qui dominent : investissements prévus, nombre d’élèves et de professeurs concernés, de tablettes distribuées...

En revanche les annonces sont généralement peu disertes sur les innovations pédagogiques à l’école ou les formations des professeurs. Or, nous ne le répéterons jamais assez : il n’existe pas de miracle technologique “éducatif”, de tablettes magiques pour réduire la fracture numérique dans l’enseignement. L’e-éducation c’est avant tout la création d’un éco-système où l’ensemble des acteurs concernés (rectorats, collectivités territoriales, établissements, enseignants, parents, chercheurs…) dialogue en permanence. Avec, à l’appui, des travaux de recherche conduit dans les écoles, les collèges et les lycées sur des durées de plusieurs mois voire de plusieurs années, pour obtenir des résultats robustes et significatifs.

En Région Bretagne, nous avons accumulé les acquis de recherche sur l'innovation pédagogique et numérique dès l'ouverture du premier “collège connecté” à St Brieuc en 2014. Distribuer des tablettes sans se soucier de chaque dynamique d’établissement, des populations qui les fréquentent et des territoires où celles-ci vivent est une erreur grossière. Aujourd’hui en 2019, en France, ils existent des élèves en difficultés qui ne savent pas véritablement ce qu’est internet alors qu'ils utilisent les réseaux sociaux.

Du coté du métier d’enseignant, qu’y a-t-il de commun entre des lycées parisiens, lyonnais, lillois...situés intra-muros et d’autres situés en périphérie de ces grandes villes ou en zone rurale isolée ? Soyons sérieux, oublions les effets d'annonce et questions de politique industrielle qui n’ont pas cours ici et tenons compte de chaque contexte. La modernité se constituera par des travaux de recherche sur les usages du numérique dans l’enseignement. Peu importe le support technologique, c'est l'innovation pédagogique qui prime.