L’article 1er de la Constitution de notre pays proclame que « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ». Et la République numérique qu’elle est-elle ? Démocratique et sociale ? A-t-elle répandue ses bienfaits et ses usages pour tous sur l’ensemble du territoire métropolitain de façon uniforme ? Les internautes citoyens sont-ils heureux d’embrasser la marche irréversible du Progrès ? Le tableau semble loin d’être homogène.
La très intéressante enquête Capuni 2019* réalisée par le GIS Marsouin vient apporter des réponses à ces questions, donnent une image précise de l’accès au numérique des français métrpolitain, de la couverture territoriale et, au passage, tort le cou à quelques idées reçues. Certes la France est devenu une société numérique puisque comme l’observe l’étude “la proportion d’internautes en France métropolitaine a franchi le seuil des 9 individus sur 10, elle s’élève à 90% ce qui représente 7 points de plus par rapport à 2016 (Enquête Capacity, Marsouin-FING, 2016)”. En termes d’accès à la Toile c’est encore l’ordinateur qui domine (84% des français disposent de cet outil chez eux) mais le smartphone est très proche (81% des français en possèdent un).
Mais là où nombre d’enquêtes s’arrêteraient à ces premiers constats, le GIS Marsouin va plus loin en s’intéressant -ce qui est l’une des spécificités de cette entité- aux usages de ces outils, à la facilité de connexion en fonction des zones urbaines ou rurales et aux difficultés auxquelles sont confrontées certaines catégories de population face à l’univers numérique.
Il ressort par exemple qu’avoir d’un ordinateur ne signifie pas automatiquement que l’on s’en sert puisque, selon l’étude, 78% des français font réellement usage de cet outil présent au domicile, un chiffre qui s’élève toutefois à 83% pour les personnes habitant dans les communes rurales. Quant à la connexion en mobilité, les possesseurs de smartphones sont à 79 % des usagers d’internet depuis leur appareil. Sans surprise les 18-29 ans sont hyperéquipés/connectés : 96% d’entre eux possèdent un smartphone avec abonnement, “les plus jeunes demeurent les plus connectés en mobilité”, relève l’étude Capuni.
Mobilité toujours, l’étude note que les résidents des communes rurales ne sont en reste par rapport aux zones urbaines. Ainsi 76% des personnes interrogées des communes rurales sont détenteurs d’un smartphone (71% avec abonnement 3G/4G), “ce qui représente un taux semblable aux aires urbaines de plus de 200 000 habitants (hormis celle de Paris où ce taux est plus élevé) car 72% des personnes vivant dans une telle aire urbaine disposent d’un smartphone avec abonnement.”
Plus surprenant dans cet ère numérique de mobilité et d’hyperconnectivité “obligée”, 14 % des français ne disposent que d’un téléphone simple c’est à dire sans possibilité de connexion à internet. Ici l’effet d’âge joue puisque cette situation concerne 43% des plus de 75 ans. Les raisons citées pour ne pas acquérir de smartphone sont le manque de débit, le manque d’intérêt et le manque de compétences.
Mais beaucoup plus étonnant une autre raison est avancée qui n’est pas, cette fois, lié à l’âge des utilisateurs mais plutôt à des convictions notamment pour les résidents des aires urbaines de plus de 200 000 habitants (sauf Paris) : il s’agit de la déconnexion volontaire à savoir la limitation volontaire de la consommation de biens technologiques. “Elle a l’air de s’installer durablement dans le paysage puisqu’ellle atteint des professions intermédiaires, des retraités dont le niveau de vie est plutôt moyen voire élevé”, souligne Pascal Plantard, Co-directeur du GIS Marsouin.
Par ailleurs l’étude Capuni illustre par la définition de trois grands type d’usages d’internet qui permettent d’établir différents niveaux de qualité du débit, que la perception des sondés diffèrent bien selon l’aire géographique. Si les internautes français des très grands pôles urbains (+ de 200.000 habitants) estiment plus que la moyenne que leur connexion Internet est satisfaisante -et ceci de manière plus significative s’agissant des usages à débit minima ou à débit moyen- en revanche la perception de la qualité de la connexion se dégrade dans les communes isolées de toute aire urbaine, constate l’étude Capuni qui précise : “Quelle que soit l’activité concernée et quel que soit le débit nécessaire à cette activité, ces internautes estiment que leur connexion est satisfaisante pour moins de 60 % d’entre eux, soit plus de dix points d’écart par rapport à l’ensemble des Français internautes.”
Ces nettes différences de perception de la qualité de connexion se retrouve d’ailleurs, constate l’étude du GIS Marsouin, concernant la qualité de la couverture mobile du territoire, en lien avec la taille de l’aire urbaine, depuis la nette satisfaction dans les très grandes aires urbaines jusqu’au sentiment d’insatisfaction notable dans les communes rurales.
A noter tout de même que cette différence zone urbaine zone rurale n’est pas toujours aussi tranchée comme le comme montre une exception notable : celle des Français internautes vivant dans des aires urbaines qui comptent entre 100.000 et 200.000 habitants. Il ressort selon Capuni que “18 % d’entre eux considèrent que la connexion Internet de leur domicile fonctionne « mal » lorsqu’ils doivent effectuer des démarches qui nécessitent peu de débit, soit 11 points d’écart avec l’ensemble des Français qui ont le même sentiment. 34 % de ces mêmes Français internautes considèrent que leur connexion fonctionne « moyennement » lorsque l’activité nécessite une connexion plus importante (streaming par exemple), soit 14 points d’écart avec l’ensemble des Français qui ont le même sentiment. ”
Enfin le Progrès numérique ne doit pas effacer du paysage les exclus du numérique. Ils seraient en France, selon les définitions, en 5 et 18 millions réparties en trois catégories : les habitants des zones bas débits et des zones blanches, les personnes en situation de pauvreté, précarité et les déconnexions volontaires et involontaires.
“Il est urgent de construire une médiation numérique différenciée en fonction des publics et des territoires”, estime Pascal Plantard qui préconise la mise en place de 3 actions : “soutenir et reconnaître les bénévoles, former les professionnels de l’éducation, du social et de la culture à la médiation numérique et enfin, presque surtout, recruter des médiateurs numériques non précaires qui dépassent les emplois jeunes, les emplois d’avenir et les services civiques”
*L’enquête téléphonique CAPUNI s’est déroulée du 21 janvier au 17 juin 2019, elle a été assurée par notre partenaire panéliste, l’entreprise morbihannaise Tryom. Elle a permis la collecte de 7000 réponses de Français issus de la population métropolitaine des 18 ans et plus. L’échantillon obtenu inclut deux sur-échantillons géographiques correspondant spécifiquement aux individus des régions Bretagne et Bourgogne-Franche-Comté.
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