En ces temps de débats budgétaires, les discussions techniques entre les élus et le gouvernement vont bon train : on « dénonce » de nouveaux prélèvements, on « s’oppose » à une nouvelle réduction des ressources des communes, on « s’inquiète » du flou persistant concernant les conséquences de la suppression de la taxe d’habitation, on « réclame » des mécanismes de péréquation efficaces, etc. De ces débats très techniques, certes nécessaires, mais certainement pas au point d’occulter tout débat politique sur la vie de la cité, tout particulièrement à cinq mois des élections municipales, les citoyens sont bien sûr exclus. On reste entre experts, c’est confortable car balisé. Le constat de Marcel Gauchet est ainsi fort bien illustré « Compter [est] ce que nos sociétés savent faire de mieux ».
La nature même des débats peut l’expliquer, mais une autre raison plus ténue nous semble tout aussi plausible : la souffrance des élus par rapport aux demandes des citoyens, la peur du débat contradictoire, de la démocratie directe, exercice du quotidien à l’opposé des grands soirs des rendez-vous électoraux.
C’est ainsi que l’on perd année après année le contact avec les réalités et les besoins des citoyens, que l’on « oublie » les profonds changements à l’œuvre dans notre pays. Nous ne reviendrons pas à l’autarcie des villages qui prévalait dans la première moitié du XXe siècle où les cafés au nombre de 488 000 en 1913 contre 25 000 aujourd’hui étaient la seule distraction. Nous disposons désormais de la moitié de notre temps de vie pour nous : il faut donc réfléchir sur les loisirs !
D’autant plus que l’espérance de vie a été considérablement allongée. Comment faire en sorte que cela soit confortable le plus longtemps possible ? Ce qui implique des services médicaux de qualité répartis sur tout le territoire. Or, on ne luttera pas contre les déserts médicaux par des mesures de coercition, mais en comprenant que la figure du médecin de campagne du type docteur Knock n’est plus. Les jeunes médecins, notamment mères de famille, souhaitent désormais équilibrer vie de famille et vie professionnelle. Comment dès lors les attirer dans les territoires ruraux ?
Cet allongement de la vie soulève également la question du vivre-ensemble parce qu’une ville a besoin de voir se côtoyer et interagir des classes d’âge différentes. La ville c’est l’échange, le besoin de rencontrer l’autre. Installer une école maternelle à côté d’une maison de retraite ne coûte rien et crée des liens extraordinaires entre les générations. Des initiatives en ce sens ont d’ailleurs été prises tant en milieu urbain qu'en milieu rural. Convaincre l’Education nationale et la maison de retraite : le rôle de l’élu prend ici tout son sens.
Gardons bien deux fondamentaux à l’esprit : une ville est en évolution constante, nos visions des choses doivent donc être au diapason ; les « petites » initiatives comme l’installation de bancs pour les personnes âgées ou de lieux de vie comme les points info jeunesse sont essentielles pour la vie de la cité. Et pas besoin de grand débat budgétaire pour cela !
Même si cela peut s’avérer difficile, car les exigences sont fortes et chacun souhaite des réponses individuelles, il faut aller aux débats avec les citoyens-acteurs non pas pour leur expliquer qu’il n’y plus d’argent ou emporter l’adhésion de tous, à tout prix, mais pour les écouter, comprendre la vie dans tel ou tel quartier et agir même si l’on va contre les demandes des citoyens.
Face à la défiance généralisée, il nous faut retrouver de la confiance, car la démocratie ne peut fonctionner sans confiance. C’est aussi retrouver le culte du débat et s’interroger sur comment faire une communauté politique. Nous avons besoin d’un nouvel humanisme.
Commenter cet article