Les moyens offerts par le numérique sont mis en avant (télétravail, éducation, commandes en ligne, loisirs...) pour faire face le mieux possible aux conséquences des mesures de confinement. En matière de santé, tel est le cas de la télé-médecine. Ainsi la Région Île-de-France a annoncé l'amplification du soutien à la télé-médecine et la mise en place d'un fonds d'équipement d'urgence de 10 millions d'euros pour les médecins et les infirmiers libéraux.
Toutefois, au-delà de l’urgence, ces nouvelles façons de se soigner, d’apprendre (voir notre article http://www.decideur-public.info/2020/03/fermetures-des-etablissements-scolaires-le-numerique-est-une-reponse-mais.html ) auront des répercussions profondes sur nos modes de vie et relèveront de véritable choix de sociétés : est-ce que ces dispositifs vont accroître les inégalités sociales ou favoriseront-elles l’inclusion ? La réponse se trouve dans des choix de politique publiques. Il faut aussi s’interroger sur les usages que particuliers et professionnels font pour le moment de l'e-santé.
Dans le cadre de sa grande enquête CAPUNI 2019*, le GIS Marsouin https://www.marsouin.org/ a justement interrogé différentes dimensions (territoriales et sociales notamment) des pratiques numériques médicales des Français en 2019 ainsi que leurs ressentis quant aux possibilités offertes par l’apport du numérique dans ce secteur. En 2019, 40 % des Français ont utilisé les plateformes de rendez-vous médicaux en ligne et 10 % ont déjà suivi leur état de santé en utilisant des technologies numériques. “L’enquête CAPUNI démontre qu’il reste du chemin à parcourir du côté des patients et des soignants pour exploiter, au mieux et en conscience, les possibilités du numérique en santé”, constate le GIS Marsouin.
On retrouve, dans le domaine de l’e-santé (télé-médecine, prise de rendez-vous en ligne, dossier médical partagé...), des lignes de fractures assez similaires à celles observées en matière d’usages du numérique en général : zones urbaines, zones rurales, jeunes, seniors, niveau d’études, revenus. L’étude montre ainsi une opposition entre les plus diplômés (niveau supérieur à Bac +2) pour lesquels 52 % utilisent le numérique (« favoriser » ou « autant avec que sans ») et ceux ne détenant pas le baccalauréat (25 % d’entre eux utilisent le numérique).
Quant aux habitants des Zones Rurales Isolées (ZRI), ils sont moins nombreux à utiliser les plateformes de prise de rendez-vous médicaux. En outre, certains des individus ciblés par l’e-santé (les seniors et les personnes à mobilité réduite) sont plus indécis que l’ensemble des français concernant ses bienfaits : les seniors (40 % des plus de 75 ans contre 26 % en France) et les personnes à mobilité réduite (36 % contre 26 % en France) sont davantage indécises que l’ensemble des Français au sujet de la favorisation de l’hospitalisation à domicile ou du maintien des personnes âgées et handicapées à domicile grâce au numérique.
Par ailleurs, la qualité du débit internet perçu joue un rôle : un débit de mauvaise qualité à domicile favorise le pessimisme, observe le GIS. À titre d’exemple, 36 % des personnes insatisfaites de leur connexion à domicile pour réaliser des usages à débit minima sont pessimistes concernant la favorisation du maintien à domicile des personnes âgées et handicapées grâce au numérique (+7 points par rapport à l’ensemble des Français).
Quant aux professionnels des secteurs de la santé et du social (PSS) le numérique est loin de faire l’unanimité et des lignes de fractures appparaissent également en leur sein. L’enquête CAPUNI montre que ces professionnels sont plus pessimistes que l’ensemble de la population quant aux perspectives induites par les technologies numériques en santé qui ont, rappelons-le, des impacts directs sur leurs métiers et leurs pratiques. Par exemple 35 % d’entre eux estiment que le numérique ne favorisera pas l’hospitalisation à domicile ou le maintien des personnes âgées et handicapées à domicile, relève le GIS Marsouin. Mais les praticiens en zones urbaines et en zones rurales ne voient pas forcément les choses de la même manière. Ainsi les PSS opérant dans des zones rurales isolées ont des perceptions plus optimistes (+9 points) et moins indécises (-9 points) que l’ensemble des PSS sur le numérique.
Ainsi, dans une certaine mesure, au sein des ZRI – zones très concernées par certaines promesses de la santé numérique liées à la facilitation de l’accès aux soins dans les «déserts » médicaux – les perceptions des PSS entrent en résonance avec les promesses des politiques publiques en matière de développement du numérique en santé, conclut l’étude CAPUNI
* L’enquête téléphonique CAPUNI s’est déroulée du 21 janvier au 17 juin 2019. Elle a permis la collecte de 7500 réponses de Français issus de la population métropolitaine des 18 ans et plus.
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