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Décideur Public - Univers Numérique

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« Toutes les voies qui permettront aux jeunes de découvrir les opportunités de carrière dans la fonction publique doivent être empruntées ».

Publié par Décideur Public - Systèmes d'Information sur 8 Décembre 2022, 18:22pm

Catégories : #Actualité

« Toutes les voies qui permettront aux jeunes de découvrir les opportunités de carrière dans la fonction publique doivent être empruntées ».

Entretien avec Hélène Guillet, Présidente du Syndicat National des Directeurs Généraux des Collectivités Territoriales.

 

Décideur Public : Vous venez d’être élue à la présidence du Syndicat National des Directeurs Généraux des Collectivités Territoriales. Une femme à la tête de ce syndicat : est-ce une première ? Est-ce un évènement ou plutôt un non-évènement ?

Hélène Guillet : oui c’est une première et non ce n’est pas un évènement dans la mesure où celles et ceux qui m’ont choisie pensent simplement que j’ai la capacité à occuper cette fonction au sein d’une organisation que je connais depuis des années. Cela étant, il est vrai que les organisations professionnelles de cette taille ayant une femme à leur tête ne sont pas nombreuses. Donc, si notre exemple permet d’ouvrir la voie vers davantage de présidences féminines, tant mieux.

 Décideur Public : Quelle est la répartition hommes-femmes parmi vos membres et en France dans la fonction direction générale des services ?

Hélène Guillet : Nos adhérents, à une très grande majorité, composés de directeurs généraux des services et directeurs généraux adjoints, comptent 46 % de femmes. Toutefois, nous manquons de données précises s’agissant de la répartition hommes/femmes de la fonction direction générale des services (DGS)/ direction générale adjointe (DGA). Il est commun d’observer que plus on monte dans les strates des organisations, publiques ou privées, moins on trouve de femmes et je pense que le SNDGCT n’y échappe pas. Mais au-delà de cette généralité, nous avons besoin de nous appuyer sur des données pour connaître la situation actuelle à travers le pays. Un observatoire devrait justement nous permettre d’apporter précision, récurrence et fiabilité des données afin d’obtenir un panorama aussi exact que possible car le diable est dans les détails ! Dans cette optique, et parce qu’il s’agit d’un sujet de travail en soi, j’ai choisi de créer une fonction de conseillère stratégique en charge de l’égalité et la diversité au sein de l’exécutif national du SNDGCT. Elle sera notamment chargée de recueillir des données objectives sur ces questions.

 Décideur Public : S’agissant des relations entre élu(e)s et DGS, vous évoquiez en 20191 une situation plus générale de tension et d’instabilité qui s’est accrue au fil des années pouvant conduire à des ruptures, notamment après les élections et ce, avec ou sans alternance. Les élections municipales de 2020 ont-elles confirmé ce constat ?

Hélène Guillet : Par rapport aux élections municipales de 2014, celles de 2020 n’ont pas apporté de modifications sensibles en termes de turn-over pour les DGS. Donc, le constat dressé en 2019 reste d’actualité. Simplement dans le contexte de crise sanitaire, les effets des élections sur la poursuite ou la rupture de la collaboration entre les DGS et les équipes élues ont été décalés de quelques mois.

 Décideur Public : Outre ces questions de rupture, mais ceci explique peut-être cela, le tandem élu(e)s-DGS n’est-il pas aussi sous tension en raison des difficultés actuelles à recruter des DGS, posant ainsi le problème de l’attractivité de cette fonction ?

Hélène Guillet : Le marché de l’emploi est globalement tendu dans la fonction publique et la fonction de DGS n’échappe pas à ce constat. Elle arrive même en 8ème position de la liste des métiers en difficulté de recrutement et il n’est pas exagéré de parler de pénurie. Ce qui m’amène à une réflexion plus large sur le rôle et la place de la fonction de directeur général des services. Nous souhaiterions, par exemple, que le périmètre de responsabilités de la fonction soit enfin reconnu par voie réglementaire, [ce que nous demandons depuis de nombreuses années]. Je rappelle, en effet, que dans un certain nombre de cas, la responsabilité pénale du DGS peut être engagée. Dans l’action quotidienne, la frontière se révèle d’ailleurs assez ténue sur cette question de la responsabilité. Une définition précise du périmètre des responsabilités existe par exemple pour les directeurs généraux des hôpitaux ou des CCAS. Appliquée aux DGS, une telle définition permettrait de clarifier une situation où subsistent des zones « grises », un flou qui n’incite ni à la fidélisation de ceux qui sont en poste, ni au recrutement de nouvelles générations ! En outre, il s’agit d’un métier qui n’est pas visible et pas reconnu alors qu’il est exercé dans un environnement à la fois complexe et rude. Dès lors, comment attirer de nouveaux talents si, d’une part, le public ne sait pas que ce métier existe et, d’autre part, qu’il existe des risques de mise en responsabilité pénale alors que le périmètre de cette fonction n’est pas défini ?

 Décideur Public : Vous avez mentionné les difficultés de recrutement dans la fonction publique en général. Comment la rendre plus attractive ?

 Hélène Guillet : Il s’agit d’un très vaste chantier, subdivisé en plusieurs parties. L’un des reproches les plus courants faits à la fonction publique en général porte sur le niveau des rémunérations. Certes, une récente hausse est intervenue mais cela ne résout pas la question du décrochage qui s’opère en fonction des différentes catégories d’agents. Les agents de la catégorie C doivent parfois ainsi attendre 9 ans pour obtenir une hausse de rémunération ! Il y a bien d’autres sujets sur la table comme le jour de carence non compensé en cas d’arrêt maladie, la protection complémentaire, les retraites, les ajustements statutaires, l’articulation entre les grilles des 3 fonctions publiques ou encore les modes de recrutement. Les élus discutent de l’ensemble de ces sujets. De notre côté nous avons déjà beaucoup travaillé sur ces questions et sommes prêts à contribuer aux réflexions pour rendre la fonction publique plus attractive.

Afin d’attirer les jeunes vers les différents métiers de la fonction publique territoriale, par exemple, il conviendrait de développer des dispositifs tels que le service civique, actuellement peu répandu dans les collectivités territoriales, l’apprentissage, les stages de longue durée ou encore introduire les contrats de professionnalisation, ce qui n’est pas possible à l’heure actuelle. Toutes les voies qui permettront aux jeunes de découvrir les opportunités de carrière dans la fonction publique, notamment territoriale, doivent être empruntées pour résoudre l’épineux problème de recrutement auquel les élus et les dirigeants territoriaux sont aujourd’hui confrontés.

J’ajoute que les centres de gestion peuvent tout à fait participer à cet effort de promotion qu’il s’agisse de mettre en avant des partenariats, des conventions avec des écoles et des universités ou de participer à des salons de recrutement afin de faciliter la venue des jeunes talents et la découverte des métiers de la fonction publique.

En outre, en matière de recrutement, notre approche se doit d’être différente de ce que nous faisions avant, à savoir publier des petites annonces par exemple, car les jeunes, bien souvent, ne pensent pas à la fonction publique dans leurs projets de long terme. L’utilisation des réseaux sociaux ou des job dating en font partie

Décideur Public : Outre le problème du recrutement, le tandem élu(e)-DGS doit faire face, selon un récent rapport du Sénat, à une baisse des moyens de l’État dans les territoires. Le Sénat se montre également critique par rapport aux réformes successives qui ne donnent pas lieu à un suivi rigoureux. Que constatez-vous sur le terrain ?

Hélène Guillet : Je pense que les situations peuvent varier assez sensiblement en fonction des personnes et des territoires. A certains endroits on trouve de la fluidité dans les relations et les actions et dans d’autres beaucoup moins. Les transferts de compétences de l’État vers les territoires existent depuis des décennies et ont pu conduire au fil des réformes à des doublons, des triplons de compétences. Mais j’observe que cet empilement, bien réel, ne provient pas seulement de l’État. Communes, intercommunalités, départements, régions, métropoles : la répartition des compétences rend les choses parfois très complexe ! De nombreux élus pointent aussi l’impérieuse nécessité du respect de la décentralisation

Décideur Public : A l'occasion d'un congrès des maires du département de Haute-Garonne, les élus ont publié un communiqué dans lequel ils font part de leurs inquiétudes tant sur la technicité croissante des dossiers qu’ils doivent traiter, par exemple, pour continuer à développer la collectivité tout en réduisant l’empreinte environnementale, que sur les finances des collectivités territoriales mises à mal par l’inflation, le coût des énergies, des denrées alimentaires ou encore des matériaux. Quel est votre analyse sur ces difficultés auxquelles sont confrontées les collectivités et donc les DGS ?

Hélène Guillet : Voilà déjà une bonne dizaine d’années qu’un nombre croissant de dossiers que traitent les collectivités locales sont de plus en plus complexes et exigent toujours plus d’expertise. Les collectivités ont appris au fil des années à s’organiser. Pour ce qui concerne leurs domaines de compétences, à savoir les ressources humaines, domaine complexe et évolutif, les Centres de gestion se tiennent aux côtés des élus et des DGS pour les aider.. Au fil des crises et des années, les collectivités ont toujours su s’adapter et maintenir la qualité des services publics qu’elles offrent...mais il est vrai que nous sommes là confrontés à la nécessité de changements en profondeur de nos modèles.

S’agissant du développement des collectivités, je dirai 2 choses. Premièrement, l’ère de la compétition entre les territoires n’est plus appropriée. La mise en commun d’équipements sportifs, culturels etc. et, plus largement de coopération sur de nombreux sujets deviennent incontournables. Sortir des logiques de compétition, de course effrénée à l’attractivité relève de la responsabilité politique, précisément au moment où des difficultés de toutes natures s’accumulent. Deuxièmement, il faut faire des choix déterminants entre les activités que l’on veut garder au sein de la collectivité et celles que l’on fait faire, tout en restant cohérent avec l’intérêt général et ce, en fonction, non de limites administratives artificielles, mais des bassins de vie au sein desquels les citoyens vivent et travaillent en se déplaçant quotidiennement.


Décideur Public : Les maires semblent de plus en plus perplexes et inquiets : n’auraient-il pas besoin d’être mieux formés et si oui sur quel(s) sujet(s) ?

Hélène Guillet : J’en suis persuadée mais pas forcément sur des sujets d’expertise et de technicité pointue. Je pense que pour certain(e)s élu(e)s, une formation à la fonction employeur afin notamment de fluidifier les relations entre le tandem élu(e)s-DGS, pour reprendre votre expression, serait très utile. J’observe d’ailleurs que les élu(e)s eux(elles)-mêmes sont demandeur(euses)s de ce type de formation.

 

                                      _______________________________

Crédit photo : Anne-Charlotte Compan pour le SNDGCT.

1. http://www.decideur-public.info/2019/09/au-dela-des-discours-quel-role-veut-on-pour-les-directeurs-generaux-des-services-entretien-avec-helene-guillet-vice-presidente-du-sy

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