Le schéma de déploiement et d'accès à la fibre défini par l'Arcep en 2010 tend à être remis en question. Les entreprises attendent un réseau qui n’est pas fait pour elles. Le point de vue de Nicolas Aubé, président de CELESTE.
Aujourd'hui, le constat est clair : tout le monde veut avoir accès à la fibre optique, particuliers comme entreprises. Pour les entreprises au-delà d’une certaine taille, nous pensons que c’est une question de survie. En revanche, la question de savoir qui va déployer la fibre pour les entreprises est de plus en plus brouillée.
Un petit retour en arrière s'impose. En 2010, l'Arcep (l'Autorité de Régulation des Communications Electroniques et des Postes) définit un modèle de « fibre mutualisée. » Pour ne pas faire exploser les coûts de déploiement de la fibre pour plus de 18 millions de foyers, les opérateurs ont l'obligation de mutualiser la partie terminale, celle qui va d'un point de raccordement public jusqu'à l'usager. Un opérateur unique gère cette ultime partie du réseau, mais doit en ouvrir l'accès à d'autres fournisseurs qui en font la demande.
Concrètement, le territoire français est découpé en zones en fonction de la densité de population et d'activités présentes. Dans les zones les plus habitées, les opérateurs commerciaux se positionnent comme des opérateurs d'immeubles. Même si leur offre doit obligatoirement proposer de fibrer tout un pâté de maisons ou tout un secteur, il y a suffisamment d'usagers pour que l'investissement soit rentable. Dans les zones moins peuplées, le déploiement de la fibre relève davantage d'un service pris en charge par les collectivités.
Dans les deux cas, cette fibre mutualisée est conçue pour les particuliers. On y mélange les clients, les usages. Il est difficile d'assurer une garantie de temps de rétablissement adéquate. Les entreprises, elles, ont des besoins différents. La qualité de service, l'absence de coupure, un débit suffisant, sont devenus des prérequis pour leurs activités. A côté de la fibre mutualisée, une autre architecture s'est donc mise en place pour répondre à ces besoins : les réseaux de boucles locales dédiées. Ils sont proposés par des opérateurs qui disposent de leur propre réseau, tels que l’opérateur historique ou certains opérateurs alternatifs comme CELESTE.
Le problème est que même dans les zones suffisamment denses où des offres concurrentielles existent pour proposer des boucles dédiées, certaines entreprises attendent un déploiement de la fibre mutualisée. Lorsque celle-ci n'est pas encore mise en place, elles demandent parfois aux collectivités d'investir en ce sens... un peu comme si le raccordement à la fibre équivalait à un service public. Les collectivités elles-mêmes prêtent une oreille attentive à ces doléances. « La fibre doit être publique, afin de garantir le développement numérique des territoires», entend-on.
Cette position nous semble problématique à plusieurs niveaux. Pour commencer, que penser du fait que le contribuable paierait pour le raccordement d'une entreprise à la fibre si des offres sont déjà disponibles ? De plus, souvent les collectivités ne disposent pas du budget requis. Au final, les travaux ne commencent pas, tout le monde s'impatiente... alors même que les entreprises, répétons-le, peuvent déjà utiliser les services des opérateurs de boucles dédiées dans ces zones. Et enfin, comme nous le disions précédemment, la fibre mutualisée ne propose pas les mêmes garanties de service qu'une boucle dédiée. Pour résumer, beaucoup d'attentes pour un résultat décevant.
De notre point de vue, seules les boucles locales optiques dédiées peuvent répondre aux besoins des entreprises. Il est nécessaire que les opérateurs soient incités à les déployer et à investir afin de couvrir la plupart des territoires. Les réseaux d’initiative publique ont une logique essentielle dans les zones rurales où les opérateurs n’ont pas la volonté de déployer une offre en propre. Les collectivités ne doivent pas se considérer en concurrence avec les opérateurs privés, mais elles doivent faciliter leurs investissements afin que les entreprises aient un maximum d’offres concurrentielles.
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