Le numérique dans le monde éducatif fait penser au Désert des Tartares de l’écrivain Dino Buzzati, on attend et rien ou peu survient. Pour dépasser cet a priori, Marseille accueillera les 23 et 24 mars prochain les 16e rencontres du numérique éducatif et culturel. Baptisé Orme 2.11, l’événement sera consacré aux moyens de collaboration et de communication permettant de développer l’apprentissage. L’occasion de faire le point sur les actions réalisées en milieu scolaire en la matière.
Créé en 1995, l’Observatoire des ressources multimédias en éducation (Orme) concentre ses objectifs sur le développement du numérique dans l’Éducation et de son utilisation pour favoriser l’accès à la connaissance. « En 2010, les rencontres de l’Orme avaient rassemblé pas moins de 2 400 personnes avec 197 exposants dont 71 entreprises et 23 organisations ou collectivités », souligne Jacques Papadopoulos, directeur du Centre régional de documentation pédagogique (CRDP) de l’Académie d’Aix-Marseille. La présence des partenaires locaux est essentielle en facilitant l’équipement numérique des collèges et lycées ».
Cette année, l’évènement sera concentré autour de quatre thématiques. Une partie importante portera sur la question du handicap et plus particulièrement des NTIC dédiées à l’autisme. Y seront aussi développés des exemples et des réflexions autour de « l’école communicante » avec la présentation par les enseignants et les élèves d’activités pédagogiques réalisées au cours de l’année scolaire. En outre, une émission de radio et des contenus télévisés seront réalisés à l’occasion de la 22e semaine de la presse. Par ailleurs, orme 2.11 mettra l’accent sur l’utilisation du numérique dans les filières techniques et professionnelles, dont les élèves seront amenés rapidement à utiliser les nouvelles technologies dans la pratique quotidienne de leur profession. De plus, deux tribunes seront réservées au Québec, invité d’honneur de la manifestation, et de nombreux stands seront dédiés aux pratiques collaboratives afin de promouvoir les ressources et logiciels libres.
L’accès au numérique : un enjeu politique et financier majeur
Selon Jean-Yves Capul, du Ministère de l’Education Nationale, « le développement des nouvelles technologies et l’accès au numérique doivent être réalisés de concert avec les collectivités locales et les régions ». A l’instar du sud de la France, fortement équipé grâce aux collectivités locales, les ressources numériques doivent se diffuser dans l’ensemble des établissements français. Il est par exemple question de la création d’espaces numériques de travail (ENT) dans les lycées de Picardie et d’Aquitaine. En outre, un partenariat avec des maisons d’édition devrait permettre sous quelques temps l’expérimentation de la présence de manuels numériques en classe pour les élèves de 6e et 5e. Enfin, la création d’un cahier de textes numérique obligatoire dès la rentrée 2011 devrait inciter les familles et le corps enseignant à adopter progressivement ce nouveau mode de fonctionnement.
Toutefois, ces initiatives supposent un soutien logistique et financier. « L’instauration de chèques ressources par groupes d’établissement dédiés au numérique permettra à chaque élève une meilleure accessibilité aux outils numériques », souligne Jean-Yves Capul. Outre un coût non négligeable, l’accès aux NTIC nécessite la présence renforcée de techniciens de maintenance en informatique pour assurer le bon fonctionnement des équipements, ce qui est loin d’être le cas dans la situation actuelle. Sans oublier la nécessité de formation. Aussi, une ébauche se fait-elle jour avec la plateforme de formation en ligne nommée Pairformance qui est une structure de partage et d’outils pour les enseignants avec la participation de nombreux partenaires éducatifs et techniques.
Cependant, Pascale Luciani-Boyer, maire St-Maur-des-Fossés (94) et membre de l’Association des Maires de France, insiste sur l’intérêt de la pertinence des outils disponibles avec l’utilisation qu’en font les enseignants. : « Dans l’un des établissements scolaires de la commune, un tableau numérique reste inutilisé. Il est installé et en état de marche mais aucun enseignant ne s’en sert ». Une étude sur ce sujet est en cours avec la participation des Universités de la Sorbonne et de Créteil. Il s’agit pour Axel Kahn, directeur de recherche à l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), d’observer les acteurs (élèves, enseignants, parents d’élève et équipes parascolaires) de douze écoles représentatives du panel français. A son issue, une équipe d’enseignants-chercheurs et de psychologues sera chargés d’établir un rapport de recommandations sur les équipements nécessaires et les améliorations à apporter pour optimiser les investissements des collectivités locales.
L’étude permettra aussi d’insister sur les différences importantes entre les établissements du primaire et du secondaire. En effet, les familles sont souvent plus impliquées quant aux dispositifs d’enseignements présents dans les écoles primaires et sur la nécessité d’adapter les équipements numérique à l’âge et à l’utilisation qui en sera faite. A cette enquête se rajoute la question des contenus. « Il est essentiel de fournir une base de contenus pertinents et adaptés aux programmes scolaires sans lesquels les investissements réalisés en matière de numérique resteront sous-employés », relève Pascale Luciani-Boyer.
Interactivité, optimisation des contenus et partage : vers un nouveau livre numérique interactif
Les éditions Belin, figurant parmi les premiers éditeurs à avoir produit des livres numériques, travaillent actuellement sur la création d’un nouveau support interactif : le Livre Interactif Belin (LIB). Selon Sébastien Leplaideur, éditeur et responsable du développement numérique de la maison d’édition, « les tablettes numériques sont précurseurs des utilisations possibles ». Le LIB pourrait offrir aux enseignants la possibilité de « modifier intégralement le contenu initial du support mais également de partager ces modifications et le travail réalisé avec les élèves », estime-t-il.
Cette notion de partage du contenu s’avère récurrente avec l’émergence des réseaux sociaux : un partenariat avec l’étude réalisée par l’Université de la Sorbonne devrait engendrer la création d’un réseau social écolier à mi-chemin entre Facebook et Twitter. Jean-Yves Capul évoque la nécessité pour les équipes pédagogiques et culturelles de se concerter davantage sur « l’accès à une connexion internet à plus de 95% des familles, l’explosion des réseaux sociaux et le développement de l’internet nomade. Lesquels doivent inciter le ministère de l’Éducation et tout le personnel des milieux éducatifs et culturels à réfléchir aux nouveaux moyen d’enseigner, mais aussi à responsabiliser les élèves face aux dangers du numérique et à la préservation des données personnelles ». Le brevet informatique et internet (B2I) va ainsi être repensé afin d’inclure ces problématiques majeures.
Enfin, un partenariat de mutualisation de l’apprentissage des pays francophones est à l’étude avec la collaboration des enseignants. Il s’agit pour Pascale Luciani-Boyer « de constituer un e-partage entre les pays du Nord et les pays du Sud pour créer et harmoniser les contenus pédagogiques ». Une grande conférence sur ce sujet regroupant les pays francophones africains devrait être prochainement organisée à Dakar. Il y sera question « d’améliorer l’accès à l’éducation de tous les pays mais également de souder politiquement les pays francophones dans une optique de partage et d’égalité des chances ». Il reste maintenant à savoir si ces projets ambitieux pourront être menés à bien compte tenu de l’environnement budgétaire actuel.
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